Tout ce qu’il faut savoir sur la laque végétale japonaise (Urushi)
- Eva Manna
- 25 févr.
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 2 mars
La laque végétale japonaise, aussi appelée Urushi (漆), est un matériau précieux utilisé depuis plus de 8000 ans. Issue de la sève d’un arbre spécifique, elle se distingue par ses propriétés exceptionnelles et son rôle central dans l’artisanat japonais. Grâce à sa robustesse et à sa résistance, des objets laqués datant de plus de 2000 ans sont encore parfaitement conservés aujourd’hui.
Une histoire millénaire
Les premières utilisations de la laque végétale remontent à l’Antiquité asiatique. À ses débuts, elle servait principalement d’adhésif pour assembler des matériaux et fabriquer des récipients. Rapidement, ses propriétés protectrices ont été exploitées pour recouvrir des armes et divers objets du quotidien. Peu à peu, la laque japonaise est devenue un médium décoratif raffiné, utilisé pour sublimer des objets d’art et des ornements prestigieux.

Un processus de fabrication délicat et complexe
La laque végétale japonaise est issue d’une émulsion polymère naturelle qui se forme entre l’écorce et l’aubier de l’arbre à laque, le Toxicodendron vernicifluum (anciennement Rhus vernicifera). Cet arbre prospère dans les régions humides d’Asie de l’Est et du Sud-Est.
Comment est prélevé ce suc ?
Le suc de l’arbre est prélevé à l’aide d’entailles réalisées tous les 4 à 5 jours avec un outil tranchant appelé Ai Knite. Après plusieurs entailles, le précieux liquide est recueilli dans un petit récipient (Tsutu). Dès son extraction, il s’oxyde et prend une teinte brunâtre.
Cette résine est une ressource rare et précieuse : chaque arbre ne produit que 100 à 200 ml de laque urushi par an. Une fois récolté, le suc est filtré, brassé et chauffé pour en éliminer l’eau et obtenir une laque prête à l’emploi.
Un élément essentiel de la laque végétale est l’urushiol, une substance responsable de sa polymérisation mais aussi de ses effets allergènes. Sa concentration varie selon les régions : elle atteint 80 % au Japon, contre environ 40 % en Birmanie.

Les qualités inégalées de la laque végétale
Ces propriétés exceptionnelles résultent de la composition chimique unique de la laque. En effet, la laque végétale contient un hydrocarbure spécifique appelé urushiol, ainsi que des traces de gommes de type arabique.
L’Urushi se distingue par des propriétés remarquables :
Robustesse : une fois durcie, elle forme un revêtement extrêmement résistant qui protège les surfaces contre l’usure, les chocs et l’érosion du temps. Contrairement au plastique ou au bois, elle présente une durabilité supérieure, résistant aux agressions extérieures et conservant son intégrité au fil des siècles.
Imperméabilité : elle protège efficacement contre l’eau et l’humidité.
Résistance à la chaleur : elle ne se détériore pas facilement avec le temps et supporte des températures de plus de 300°C.
Résistance aux acides et à l’alcool : elle offre une protection durable contre ces substances.
Adhérence exceptionnelle : elle peut être appliquée sur de nombreux matériaux (bois, papier, métal, céramique, verre, cuir, etc.).
Hautement hydrofuge : une fois durcie, elle empêche l’infiltration de liquides et protège efficacement les surfaces traitées.
Antibactérienne, la laque est donc parfaitement hygiénique.
Une variété presque infinie de techniques et de matériaux a été développée, expérimentée et adoptée, en particulier durant les périodes d'Edo (1603-1868) et de Meiji (1868-1912).
Les différentes techniques de laque japonaise
Wajima-nuri : La technique la plus sophistiquée, typique de la ville de Wajima. Elle consiste en l’application de la laque en une trentaine d’étapes, garantissant une finition exceptionnelle. Nuri signifie peinture ou revêtement.
Kanshitsu : Cette technique consiste à faire pénétrer un tissu de lin ou de chanvre dans un mélange de laque urushi, de poudre de terre cuite et de colle de riz (Jinoko). La toile ainsi rigidifiée est fixée au bois, puis plusieurs couches spatulées de laque sont appliquées pour renforcer les zones sensibles. Une autre variante permet de modeler directement la toile enduite de jinoko pour créer des sculptures en relief.
Maki-e : Cette méthode regroupe diverses techniques décoratives appliquées aux couches finales du Wajima-nuri. Elle inclut la peinture sur laque, l’incrustation de nacres (raden), de coquilles d’œuf (rankaku), ainsi que l’ajout de dorure ou de poudres d’or, d’argent et d’étain (souzou).
Negoro : Une finition caractéristique des dernières couches du Wajima-nuri. Après l’application d’une couche de laque rouge ou orange sur une base noire, un ponçage minutieux fait apparaître la couleur sombre sous-jacente. Ce style, inspiré de la vaisselle laquée du monastère de Negoro, évoque l’usure naturelle du temps.
Fuki-urushi : Couramment utilisée en architecture et en design d’intérieur, cette technique consiste à appliquer de la laque essuyée sur du bois soigneusement raboté ou brûlé. Après l’application de pigments, la laque est étalée à la spatule ou au pinceau, puis immédiatement essuyée avec un textile. Le processus est répété jusqu’à 12 fois pour obtenir un fini riche et profond.

L’art de la laque aujourd’hui
Grâce à ses propriétés uniques, la laque végétale japonaise permet d’imiter une multitude de matières comme le cuir, le bois ou le métal. Elle s’associe aussi à d’autres matériaux pour des effets artistiques variés : incrustation de nacre, de coquille d’œuf, de pierres ou encore sculpture en relief.
Aujourd’hui, l’urushi conserve son rôle essentiel dans l’artisanat et le design contemporain. À la fois traditionnelle et moderne, elle continue d’inspirer de nombreux artistes et artisans à travers le monde.
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